▬Que penses-tu des limbes? Tu aimes ce chez toi? C'est bien, mais trop petit à mon goût

▬Tu penses que la guerre entre les nations est une bonne chose pour vous? Les navires passent sur mes mers avec le coffre remplit d'or que demander de plus ! J'adore tout ce qui brille, alors que la guerre continue, ça me donne plus de marin à faire succomber à mes charmes.

▬Que penses-tu des humains en général? Juteux et intéressant ! Ils ont parfois des histoires tellement captivantes.

▬Et des humains pactisants en particulier? Ils sont les meilleurs ! Les autres quand je suis dans l'eau je les mange.

▬Tu as un but? Lequel? Vivre des aventures !

▬As-tu déjà pactiser avec un homme? Oui et ils ont très bon goût

▬Tu aimerais? Pourquoi? Oui, car je tiens d'eux ma jeunesse et ma longévité

▬Tu as déjà voyagé? Tu comptes faire un long voyage? Toujours dans les océans

▬Es-tu prêt pour l'aventure? C'est ma raison de vivre

Toi, Triton, dis le magnifique par tes frères et tes sœurs sirènes.
Tu es connu par les mortels, comme un monstre sans cœur, avide d’or et de marins.

Enfant de l’écume, tu es né dans le corail de feu et dans les algues vertes. Tel le têtard que tu étais, tu te jouais de fourberie, avec les habitants de cette faune aquatique.
Tu te délectais des merveilles que recelaient les limbes, quand tu fusais à travers les cours d’eau qui parcouraient ce monde si merveilleux à tes yeux. Des créatures imaginables et magnifiques, des démons sans cœurs, tous à la recherche d’une gloire passée.
Etais-tu toi aussi ce que ces gens appelés un dieu oublié ? Tu t’en fichais guère maintenant.
Tu étais un têtard insouciant.

Tu abandonnes le chant de tes sœurs pour nager vers des mots qui te paraissent bien plus vivants. Tu entends des vies du passé.
Des rois glorieux, des dieux qui tombent, pour finir déchus.
Ses histoires animent ton cœur de poisson, tes branchies battent à toute allure. Tu t’imagines à la place de ses héros morts. Tu ne dévores plus seulement les créatures qui t’entourent, tu dévores les histoires de ses monstres.
Finalement, tu laisses ses conteurs sans un mot, sans un souvenir.

Tu grandis, tu es bien trop grand pour ta marre, tu décides d’aller ailleurs.
Tu quittes ses grottes sombres et cette vie morose, qui ne te conviennent pas.
Tu t’infiltres dans ses interstices, parfois trop étroite pour ta queue qui a grandi disproportionnellement, alors que ton âme n’est celle que d’un têtard, qui croyait encore aux contes de fées.
Tu découvres le soleil et ces mers.
Cette nouvelle terre t’appelle.

Tu rencontres des marins bavards et ivres.
Tu laisses ta voix les hypnotiser avec ta douce mélopée.
Les bougres se jettent dans tes bras.
Ils tombent à la mer et tu les entraines dans les profondeurs.
Tu dévores leur visage mort avec le sourire.
Leurs cœurs sont vigoureux et leurs langues te transmettent encore des histoires.

Parfois, lorsque tu t’ennuies.
Tu laisses l’un d’entre eux en vie.
Le voyageur te raconte une histoire.
Tu le laisses partir avec une bride en moins de sa vie.
Mais parfois, tu t’entiches de l’un entre eux.
Tu es ému par certains contes.
Tu pleures.
Tes larmes perlent sur ta peau visqueuse et elle se transforme en perle.
Perfide.
Tu offres cette malédiction au barde.
Tu l’obliges à dire oui, personne ni rien ne résiste à te rejoindre sous l’eau.
Cette perle de larme ne fait qu’un maintenant avec le barde.
Tu le suis sur terre et sur mer.
Tu lui dévores chacun de ces souvenirs, sa vie t’appartient.
Tu le suis comme son ombre.
Sur terre, tu te découvres une nouvelle apparence.
Aussi monstrueuse que toi.
Ton cœur palpite à l’idée de rire et de pleurer avec lui.
Il vieillit, toi non.
Son dernier souffle de vie le quitte.
Il ne se souvient plus de toi quand la faucheuse le prend.
Tu es triste.

Car au final, tu vivras seul.
Puisque personne ne pourra se souvenir de toi.
Triton.
Dangereuse sirène.
Amoureux des hommes.
Dévoreur d’histoire.